Un essai par Fred Thomas , L’ART HAITIEN; une querelle des anciens et des modernes

Author: Coccoon Webware |

Un essai par Fred Thomas

L’ART HAITIEN

Une querelle des anciens et des modernes


L’ART HAITIEN

Une des villes de Préfète Duffaut

L’art haïtien, dans sa diversité et son originalité, présente un panorama coloré et aux multiples facettes de la culture haïtienne, des paysages luxuriants du pays ainsi que les aspirations de certains artistes vers la perfection et l’universalité, l’idéalisme et le sublime. Nous limitons volontairement notre texte aux mouvements et styles prépondérants : « Les Primitifs » et « Les Modernes ». Nous prenons soin, par ailleurs, de souligner les caractéristiques et les contributions des deux groupes en fait de styles et de techniques. Notre objectif est de montrer que l’art haïtien n’est pas l’apanage d’un groupe en particulier mais plutôt un mélange de toute une série de styles et tendances allant des plus naïfs aux plus sophistiqués.

Tout a commencé avec l’Ecole indigéniste qui réunissait tout un groupe d’artistes évoluant dans le genre primitif. Parmi eux on peut citer des peintres de talents tels que Castera Bazile, Pétion Savain, George Remponneau, Hector Hyppolite, Philome Obin et beaucoup d’autres. Dotés pour la plupart d’aucune formation académique, ces peintres s’efforcèrent de présenter dans leurs tableaux un portrait assez réel de la vie et la culture d’Haïti, utilisant le Centre d’Art, créé à Port-au-Prince en 1957, comme point de ralliement.


Charlemagne Peralte

Charlemagne Peralte, By Philom

Fred Thomas est artiste-peintre et critique d’art. Il vit à Miami

Doté d’un énorme talent, grâce à son charisme et aidé de sa foi chrétienne, Philome Obin créa l’école du Cap-Haïtien, avec son frère Sénèque. Au nombre des membres fondateurs, s’ajoutent ses fils, Télémaque et Antoine, son petit-fils Henry-Claude et on neveu Michel Obin. A ceux-là s’ajoutent également d’autres membres de la famille, des voisins et d’autres artistes tels que Max Gerbier, Buffon Thermidor, etc.

Auto portrait

Auto portrait, Jean Claude Legagneur

Si la confession religieuse de Philomé Obin (il était protestant) ne lui permettait pas de puiser dans le monde mythique du vaudou, lui et ses disciples trouvèrent une source d’inspiration intarissable dans l’environnement des sites pittoresques du Département du Nord, des événements locaux, des faits historiques et dans leur vie de tous les jours. Leur objectif, semble-t-il, était de transmettre au spectateur un sentiment de sérénité, de décence ; inspirer une sorte de protocole, d’authenticité, de pondération et d’espoir.

Cependant, certains artistes, appelés « Les modernes », tels que Antonio Joseph, Gesner Armand, Favrange Valcin, Luce Turnier, Bernard Wha, Lionel Saint-Eloi, Tiga, et beaucoup d’autres, adoptèrent une démarche complètement différente. A cette liste il faut ajouter les tenants de l’école de la Beauté réunissant des peintres comme Bernard Séjourné, Lyonel Laurenceau, Jean-Claude Legagneur, Jean-René Jérôme, Bernard Séjourné, Philippe Dodard et plus tard, Albert Desmangles, Alpi, pour ne citer que ceux-là. Pour la plupart formés à l’étranger ou membres de l’élite, ces artistes, avaient le talent, l’enthousiasme et la connaissance des techniques. La formation acquise dans les grandes écoles, la consultation the manuels d’art et la fréquentation des musées du monde entier poussèrent leur vision dans un autre direction. Ils prirent à contrepied la démarche des « primitifs » pour révéler un côté plus sophistiqué de l’art haïtien, une vision à laquelle La classe bourgeoise était plus sensible. Ils étaient disposés àprendre des risques et faire l’expérience et l’apprentissage des techniques nouvelles telles l’abstraction, les techniques mixtes, le collage, le dégoulinage, le frottis et les textures. Ils produisirent des œuvres stupéfiantes tout en évitant ce qui était de nature à suggérer la misère du peuple haïtien out le malheur du pays.

Une des multiples

Une des multiples têtes de femme de Bernard Séjourné

Nostalgia

Nostalgia by Alpi 2005

L’idée était de créer un monde idyllique où tout semble être parfait, où tout le monde est heureux. Ces artistes évoluaient dans un univers surréaliste où rien n’est complètement défini. Ainsi ils laissent aux observateurs le soin d’interpréter l’œuvre selon leur propre perception. En d’autres termes, ils ignoraient la réalité difficile dans laquelle ils vivaient, optant ainsi pour un monde de contre-vérité où un oiseau n’est pas vraiment un oiseau ; une chaise n’est pas une chaise mais un symbole ou une illusion. Ainsi, personne ne se sentait menacé ou coupable et ce monde imaginaire pourrait continuer d’exister. Le même phénomène s’observe aussi dans la musique de l’époque. Les textes de certaines chansons parlaient de femmes, de nostalgie, de poésie, du soleil, de la lune et des étoiles. En d’autres termes, de l’art rien que pour la beauté du genre… Une vie en rose dans le meilleur des mondes.

Les deux écoles semblent avoir atteint leurs objectifs. Les indigénistes avec toute leur faiblesse ont réussi à montrer une image d’Haïti en peignant des scènes locales, des événements historiques, des activités quotidiennes de la vie rurale, des légendes populaires, des cérémonies religieuses, etc... Les peintres modernes, en revanche, ont tendance à exposer leur virtuosité de coloristes, suggérant un monde idéal, qui s’éloigne de la réalité du peuple haïtien et du pays en général. Mais leurs travaux ont le mérite de montrer que l’art haïtien n’est pas seulement limité à l’art naïf et ses créations sont capables de rivaliser avec des artistes éclectiques tels que Picasso, Matisse, Klimt, Modigliani, Brancusi, Pollock, Rothko et autres. Leur créativité et la maîtrise des techniques d’expression modernes sont le reflet des tendances avant-gardistes et expressionnistes, de l’art non figuratif ou conceptuel.

Jean René Jérôme

Painting by Jean René Jérôme

Le cadre restreint de cette analyse ne saurait prétendre s’appliquer au vaste paysage de l’art haïtien depuis le début de son histoire passionnante jusqu’à nos jours. Cependant, cet essai a le mérite de contraindre la critique ou bien toute personne intéressée, à avoir un esprit ouvert et à prendre en compte l’opinion des deux partis qui ne sont que deux faces d’une même médaille qui présente évidemment deux pôles différents mais ces courants apparemment opposés représentent les parties d’un ensemble, Cette querelle « des anciens et des modernes » nous offre quelques idées essentielles sur le sens réel de l’expression « Art haïtien ». Cette appellation couvre non seulement la peinture naïve mais aussi tous les autres courants et mouvements qui ont généré des artistes dont les œuvres traitent en primeur des valeurs esthétiques plutôt que d’insister sur leur contenu figuratif ou didactique. L’on se demande toutefois :

  1. La pertinence de l’art dépend-elle de ses qualités représentationnelles, morales, didactiques ou simplement esthétiques ?
  2. Vu que l’art primitif et l’art moderne constituent en fait « L’art haïtien », y a-t-il une nouvelle tendance à l’horizon ?


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